
L’aspect immunologique des transplantations
La transplantation d’organes est devenue possible grâce aux progrès de l’immunologie, qui ont permis d’améliorer la compatibilité entre le donneur et le receveur d’organe. L’immunologie est l’étude des mécanismes de défense du système immunitaire face à des agents pathogènes extérieurs ou antigènes. Face à ces agents, le corps répond par la fabrication d’anticorps et de globules blancs : les lymphocytes.
L’immunologie est régie par la loi “du soi et du non soi”: l’organisme accepte tout ce qui lui appartient et se défend et détruit tout ce qui lui est étranger. En effet, chaque organisme possède un code de reconnaissance qui lui est propre, sur chacune de ses cellules. Ce code est appelé HLA ou MHC (Major Histocompatibility Complex).
Avec le développement de la médecine et les avancées de la recherche, il a été mis en évidence que l’un des facteurs responsable du rejet d’un greffon était lié aux gènes d'histocompatibilité, situés sur le bras court du chromosome 6 chez l’homme. Ce gène code le complexe majeur d'histocompatibilité, découvert par Jean Dausset en 1958.
Ainsi, pour qu’une greffe fonctionne correctement, il faut que le donneur et le receveur possèdent le maximum de ces gènes HLA en commun. Ces gènes sont séparés en deux classes, la classe I qui code pour fabriquer toutes les cellules nucléées et la classe II qui code pour fabriquer certaines cellules du système immunitaire comme les cellules dendritiques qui ont pour rôle de déclencher la réaction immunitaire de l’organisme et d’activer les lymphocytes T.
Lors d’une greffe, on met en contact des tissus sains provenant d’un donneur avec ceux d’un receveur pour remplacer un organe défaillant. Pour déterminer quel organe est compatible avec un receveur, on effectue un typage. Le typage consiste à déterminer les différents allèles d’histocompatibilité du donneur et du receveur pour obtenir le meilleur appariement possible. On peut ainsi déterminer les gènes, mais pas leurs organisations sur le chromosome. Une greffe est “génotypiquement identique mais phénotypiquement différente”.
Complexe HLA du chromosome 6
(crédits : https://www.futura-sciences.com)
Chaque individu possède donc un HLA unique, excepté les jumeaux monozygotes qui sont compatibles à 100%. Lors d’une greffe, une réaction immunitaire appelée alloréactivité se met en place et peut avoir lieu de deux manières principales : par voie directe ou indirecte.
-
L’alloreconnaissance directe :
Lors de cette alloréactivité, les cellules présentatrices d’antigène (CPA) (plus particulièrement les cellules dendritiques contenues dans les tissus du greffon présentant un antigène peptidique) vont se répandre dans les tissus du receveur et activer les lymphocytes T. Ces lymphocytes vont ainsi détecter un complexe CMH/peptide différent (celui du donneur) et déclencher l’attaque du système immunitaire sur le greffon. Dans le cas d’un rejet de greffe aigu, cette alloreconnaissance apparaît comme étant prédominante et se produit généralement dans les semaines et mois suivant l’opération.
(crédit: https://greffondespoir.wordpress.com/rejet-de-greffe-1/)
-
L’alloreconnaissance indirecte:
Par voie indirecte, ce sont cette fois les lymphocytes T CD4 et CD8 du receveur qui vont être captés et détectés par les peptides du CMH de classe I et II d’un corps étranger en se déplaçant dans l’organisme. Les Cellules Présentatrices d’Antigène (CPA) du donneur ne jouent dans ce cas aucun rôle dans l’alloreconnaissance de l'antigène dans l’organisme du receveur. Ce type d’alloréactivité peut apparaître jusqu’à plusieurs année après la greffe.
(https://greffondespoir.wordpress.com/rejet-de-greffe-1/)
L’alloreconnaissance d’un antigène est la première étape du rejet de greffe, et peut induire une réponse immune complexe (caractérisée par un rejet) qui diffère en fonction de la compatibilité entre le donneur et le receveur et de l’organe greffé.
Il existe 3 types de rejet de greffe:
- Hyper aigu:
Le rejet hyperaigu apparaït dans les 3 jours suivant la transplantation. Il est provoqué par les anticorps préexistants du receveur qui vont se fixer sur les antigène du donneur et ainsi activer le système du Complément (système de 25 protéines faisant partie du système immunitaire inné impliquant une activation sans reconnaissance spécifique d’agents pathogènes) entrainant une coagulation intravasculaire, thrombose, qui sans intervention finira par un infarctus du transplant. Mais ce rejet peut et doit être évité par le cross-match ou épreuve de compatibilité croisée, analyse consistant à mettre en contact les anticorps du receveur et les antigènes du donneur afin de mesurer les risques de rejet.
- Aigu:
Le rejet aigu apparaît de une à plusieurs semaines après la greffe. Il peut être le résultat de deux mécanismes immunologiques, l’un dépendant des lymphocytes T (rejet cellulaire aigu) et l’autre des lymphocytes B (rejet humoral aigu). Contrairement au rejet hyper aigu, il ne met pas en jeu une immunité déjà existante. Dans le cas du rejet cellulaire aigu, les cellules dendritiques du donneur vont se rendre dans les organes lymphoïdes secondaires et ainsi activer les lymphocytes T qui vont envahir le greffon et le détruire. Afin de minimiser ce risque de rejet, les receveurs doivent impérativement prendre des immunosuppresseurs. Il est toutefois très important de repérer ce phénomène le plus tôt possible pour espérer empêcher la destruction totale du transplant.
- Chronique:
Le rejet chronique est la principale cause d’échec de transplantation. Il intervient plusieurs années après l’opération et est donc plus difficile à anticiper et à soigner. Il se caractérise par une perte lente et progressive des fonctions du greffon liée à une fibrose (transformation de tissus sains en tissus fibreux) et une vasculopathie (infections des vaisseaux du greffon) qui entraine un épaississement de l’intima (couche intermédiaire la plus épaisse de la paroi des artères). Le rejet chronique est la conséquence de facteurs immunologiques et non immunologiques. Il n'est pas encore parfaitement compris, mais il apparaît que ce rejet soit lié en premier lieu à des problèmes de compatibilité des HLA des donneurs et du receveur (tout comme les rejets précédents). Cependant, l'état du greffon lors de la transplantation rentre également en compte, avec les immunosuppresseurs et les caractéristiques de l'hôte tels que l'âge, de l'hypertension artérielle...
La greffe d’organe a permi de sauver de nombreuses vies, et en dehors de la greffe elle même, une des avancées qui a permis de limiter le rejet de greffe est le traitement avec des immunosuppresseurs. Ce traitement, ajusté en fonction de l’histocompatibilité entre le donneur et le receveur a pour rôle de diminuer ou même d’annihiler l’action du système immunitaire sur le greffon et donc d'empêcher la destruction de l’organe greffé. Mais pour l’instant, ce traitement ne peut pas désactiver une partie spécifique du système immunitaire. Il entraîne donc une absence totale de protection contre les virus et maladies extérieurs chez le patient.

