
Histoire de la greffe et évolution du processus au cours du temps
L’idée de la création de créatures hybrides mélangeant hommes et animaux est ancrée dans la mémoire depuis des millénaires, en témoignent les multiples représentations d’humanoïdes comme les centaures ou autres Minotaures.
Mais c’est seulement à la fin du XIXème, en partie grâce à Alexis Carrel, Nobel 1912 que les chirurgiens ont disposé de moyens assez efficaces pour arriver à rétablir toutes les connexions vasculaires, et ainsi obtenir une greffe potentiellement fonctionnelle. Nous allons voir dans les lignes qui suivent une courte histoire de l’évolution de la transplantation d’organes, du XIXème siècle à nos jours.
Portrait d'Alexis Carrel
L’une des premières xénogreffes date de 1906 avec l’opération d’Ernst Unger, qui réalise une transplantation de rein de singe sur une femme. Cette opération, comme celles qui suivent (Dr M. Jaboulay et sa tentative de greffe de rein de porc sur un humain) est un échec. Ces tentatives de greffes “à l’aveugle” permettront de donner un certain recul aux médecins, qui émettront dans les années 1930 l’hypothèse d’un rejet d’origine immunologique.
Le Professeur J. Dausset met en évidence dans les années 1950 l’existence de l’histocompatibilité. Sa découverte n’est initialement pas liée avec les recherches menées en même temps pour comprendre le rejet de greffe. En effet, l’hématologue cherchait initialement à expliquer les réactions frébiles post- transfusionnelles. Il a ainsi découvert l’antigène MAC (nom tiré des initiales de trois donneurs de sérum anti-leucocyte ayant permis ses recherches), renommé plus tard molécules HLA, pour Human Leukocyte Antigen. Ces molécules superficielles codent des protéines uniques à chaque individu qui vont se fixer à l’extérieur de la cellule et permettre une différenciation du “non soi”.
Entre temps en 1952, l’opinion publique a été très émue par la mort du jeune Marius Renard. Le jeune homme fut privé de ses reins après une chute et sa mère désespérée décida de lui faire don d’un des siens. La France a retenu son souffle. Après une opération qui semblait fructueuse le jeune Marius est décédé d’anurie suite au rejet de l’organe étranger.
C’est fin 1954 avec l’équipe du Dr Murray que la théorie de l’immunologie est confirmée par une greffe rénale entre deux jumeaux monozygotes qui sera couronnée de succès.
Cependant, la découverte de Dausset était uniquement dirigée dans le but de rendre possible les transfusions sanguines, mais aucunement à concrétiser l’allogreffe, domaine qui lui était complètement étranger. Il est certain que sans le concours de Jean Hamburger, aucun progrès n’aurait été fait à ce niveau. C’est lui qui fut le premier à comprendre l’importance de ces molécules et à en déduire l’existence et le rôle d’une personnalité génétique unique dans le rejet des allogreffes.
Au début des années 60, le Pr. Hamburger découvre la possibilité d’accroître la tolérance et donc de diminuer le rejet de greffons, notamment par une forte irradiation globale non létale. Cet affaiblissement du système immunitaire est dû à l’effet des rayons X sur la moelle osseuse, le thymus, les ganglions lymphatiques, l’amygdale et autres tissus lymphoïdes.
C’est donc cette méthode qu’il utilise en réalisant avec son équipe la deuxième transplantation d’un rein provenant entre deux individus non monozygotes. Bilan : le rein restera fonctionnel pendant 26 ans jusqu’au décès du patient dû à un cancer !
Ce grand pas pour l’histoire de la médecine induira une prise de conscience de la part du corps médical quand à l’aspect titanesque revêtue par la tâche dans laquelle il est en train de se lancer. Cette deuxième greffe de rein reste un jour historique pour la recherche dans le domaine de la greffe. Dans les années suivantes, la médecine s’est concentrée sur la mise au point d’un traitement pouvant annihiler le système immunitaire du receveur d’une manière moins violente que l’irradiation, et tout en préservant ses défenses immunitaires pour faire face aux germes et lutter contre les infections liées au quotidien de chacun.
En 1969, Jean Dausset, le pionnier de l’immunologie susmentionné crée l’association nationale France-Transplant avec pour but “réussir à sauver tous ceux qui étaient condamnés à mort parce que la maladie avait détruit un organe vital, rein, cœur ou foie”. C’est donc cette institution, subventionnée par le ministère de la Santé, qui a participé à la synchronisation des prélèvements et des opérations, à la régulation et à la législation des sources d’organes.
Nous allons détailler dans la partie suivante le fonctionnement de ce système immunitaire et les effets des immunosuppresseurs modernes empêchant le rejet du greffon :
